Musset, Chopin furent ses amants célèbres, mais savait-on l'ardente passion de George pour l'avocat républicain Michel de Bourges, sa longue liaison avec le graveur Manceau, sa tendre aventure épistolière avec l'auteur de Madame Bovary, Gustave Flaubert ? Elle fut l'amie des plus illustres créateurs, se trouva mêlée aux trois grands soubresauts de la politique au XIXe 1830, 1848, 1871, hésitant en politique entre enthousiasme passionné et prudence paysanne. Travailleuse acharnée, femme de tête si souvent traitée de "bas-bleu", George ne dédaignait pourtant ni la cuisine, ni la couture, n la broderie, ni la confection des marionnettes, ni les soins d'éducation à ses enfants, puis à ses petites-filles. L'amante échevelée de Venise, la fumeuse de houka, l'avocate de l'égalité des droits des femmes dans le mariage fut une femme avant tout généreuse et humaine. Il fallait le regard d'une autre femme, généreuse et humaine elle aussi Huguette Bouchardeau, pour expliquer les doutes de l'adolescente, l'étroitesse de sa vie de femme mariée, la culpabilité de ses amours vagabondes pour comprendre que l'envie et le bonheur d'exister ont toujours été plus forts chez George Sand que le désir de gloire ou l'amour du pouvoir.
Dans un pays de glace, une tribu primitive vit de l'élevage du renne et massacre inexorablement les loups, leurs ennemis jurés. Mais voici qu'un enfant découvre un jour un louveteau, à demi-mort, gisant près du cadavre de sa mère. Va-t-il l'abandonner et obéir à la loi des adultes ? Cela, il ne le peut, et c'est le début de sa révolte. Il l'élèvera alors dans le plus grand secret, conscient des risques terribles qu'il prend. Au fil des jours, se créeront des liens indissolubles entre Yaka le loup et Nick l'enfant. Mais le jour où toute la tribu, alarmée par sa disparition, se mettra à sa recherche, le drame éclatera. La haine l'emportera-t-elle sur l'amour ? Les adultes seront-ils encore une fois les plus forts ? Un très beau roman qui peint l'éveil d'un adolescent à une forme de conscience qui conduit l'homme à respecter la nature et les êtres vivants.
« Pourquoi le médecin ne m'a-t-il pas tué ? » Cette question terrible, Piéral, l'un des nains les plus célèbres de l'histoire du spectacle - il fut l'une des vedettes de « L'éternel retour », l'ami de Jean Cocteau - ose nous la poser, la poser à ses parents, et il s'interroge lui-même sans concession. Il écrit : « Les monstres naissent aussi, on les laisse vivre. »
Mais, au fur et à mesure qu'on suit la destinée pathétique de Piéral, qu'on le voit - enfant - découvrant sa taille, en butte aux moqueries, aux cruautés des autres gosses, on découvre le sens de cette vie. L'émotion nous prend. On suit, d'aventure amoureuse en réussite d'acteur, l'affirmation d'une forte personnalité. Piéral veut être un homme comme les autres. Et on participe à ce combat, qu'il mène pour conquérir sa dignité, parfois en se vengeant, en se jouant de ceux qui se moquent de lui. Mais cette histoire est aussi notre histoire « vue d'en bas ». Car Piéral jette sur nous « les normaux », les « grands », un regard impitoyable. Il nous découvre tels que nous sommes. Femmes célèbres, actrices admirées qui s'éprennent de lui, hommes qui le méprisent ou le frappent, chacun d'entre eux dévoile - dans ses rapports avec lui - sa part secrète.
Le livre de Piéral est ainsi un témoignage exceptionnel. L'émotion et le sourire surgissent à chaque page. Un homme s'y affirme, vivant. Dans le monde du spectacle, du cinéma au cirque, des cabarets au théâtre, s'est joué pour Piéral une grande partie. Il l'a gagnée.
Il était beau, il avait la voix de Luis Mariano, les femmes l'adoraient, il aurait pu faire une carrière de chanteur de charme. Mais on le retrouve dans une région perdue du Costa Rica, formant à la guérilla Che Guevara, Fidel Castro et tous les chefs de la révolution cubaine avec leurs futures troupes. C'est que Jean Contenté, enfant de Paris, avait en lui la graine de l'aventure et une passion de la liberté ardente comme une fièvre. La guérilla, il l'a lui-même apprise à dix-sept ans en France, dans les maquis de la Résistance, avec un ancien de l'armée républicaine espagnole. Il en sort nanti pour la vie d'un idéal et d'une des plus vieilles devises de l'humanité : « Guerre aux tyrans ! » Il va se battre dans la Légion de Begin pour l'indépendance d'Israël, puis, pendant vingt années, en Amérique centrale, dans la Légion des Caraïbes, cette mystérieuse armée secrète de combattants de tous pays, qui ont juré là-bas la mort des dictatures et dont il finit par devenir le chef. Extraordinaire destin, que celui de ce diable de Français, défiant à l'autre bout du monde des despotes, au nom des grands principes de 1789, combattant au côté de son « frère » Che Guevara, puis condamné à mort par Raul Castro pour avoir renié la révolution cubaine devenue trop dictatoriale, et à la poursuite duquel le Nicaragua lance toute une armée, quitte à violer la frontière d'un Etat voisin. Oui, extraordinaire figure, à la fois haute en couleurs, tranquille et modeste comme un Gary Cooper de western (colt compris, sauf que, là, ce n'est pas du cinéma), mais surtout d'une pureté rare - la pureté de l'homme fidèle jusqu'au bout aux plus beaux de tous les idéaux humains : Justice et Liberté.
Accédant, dès sa jeunesse, à toutes les réussites et jamais pris en défaut, Jacques Chaban-Delmas appartient pourtant à cette espèce d'hommes que les gens en place semblent toujours inviter à se laver d'on ne sait quel soupçon. On exige de lui des preuves plus éclatantes que de quiconque et il n'est jamais arrivé à se faire admettre sans briser par des effractions pittoresques la conjuration du. conformisme. Comme de Gaulle, en somme - de Gaulle que Pierre Rouanet appelle ici « le général effervescent. et qu'il ramène malgré lui au centre du livre. De surprenantes révélations éclairent l'intime et constante filiation politique, sociale, humaine entre les deux « généraux de brigade à titre temporaire » les plus contestés de France : le plus vieux, de Gaulle, et le plus jeune, « Chaban »... On voit que, à l'image de l'homme dont il raconte l'aventure, Le cas Chaban n'est pas un livre conformiste. Il y a ici une manière nouvelle d'aborder un homme politique, une recherche qui crève les apparences. C'est que, en Pierre Rouanet, le romancier de. Castell (Prix Interallié 1971) rejoint l'analyste politique à qui l'on doit déjà Mendès France au pouvoir 1954-55 et Pompidou. Aussi bien ce portrait de Jacques Chaban-Delmas n'a-t-il rien d'un livre de circonstance : il s'adresse au lecteur, non à l'électeur.