Le père ancien c'est le père
au matin puis le père en fin
c'est le père au début
dans sa vieille mort et puis
après les prières c'est la mort
enfin dans le parler tout autour
et dans le parler il y a aussi
tout autour du fils la mère
dans sa mort moins ancienne
et la visite en moi de la famille
en ses rires et ses ruines.
Le 29 juin de chaque année le passé revient, si rien ne l'arrête il devient une habitude, avec le masque de l'araignée et celui de la stupeur.
"Il me vint un si fort mouvement d'écrire que je ne pouvais y résister. La violence que je me faisais pour ne le point faire me faisait malade, et m'ôtait la parole. Je fus fort surprise de me trouver de cette sorte, car jamais cela ne m'était arrivé. Ce n'est pas que j'eusse rien de particulier à écrire, je n'avais chose au monde, pas même une idée de quoi que ce soit. C'était un simple instinct, avec une plénitude que je ne pouvais supporter. J'étais comme ces mères, trop pleines de lait, qui souffrent beaucoup. Je déclarai au père La Combe après beaucoup de résistance la disposition où je me trouvais ; il me répondit qu'il avait eu de son côté un fort mouvement de me commander d'écrire, mais qu'à cause que j'étais si languissante, il n'avait osé me l'ordonner. Je lui dis que ma langueur ne venait que de ma résistance, et que je croyais qu'aussitôt que j'écrirais, cela se passerait."
'Ne laisse pas ma part obscure me parler. Je me suis dispersé là-bas. Je suis obscur. Mais là, même là, je t'ai aimé à la folie. Je me suis perdu et je me suis souvenu de toi...
Maintenant je reviens vers ta source. En feu. Le souffle coupé. Personne pour m'en empêcher. Je vais la boire. Je vais en vivre. Je ne suis pas ma vie. Je vis mal de moi. J'ai été ma mort.' Livre XII, 10 'Interpellations, confidences, exhortations, aveux, micro narrations, souvenirs, hymnes, fictions, louanges, analyses exploratoires, déplorations, cris, anathèmes, psaumes, discours, chants...
J'ai voulu, par une nouvelle traduction intégrale du texte d'Augustin, rendre justrice à cette véritable odyssée personnelle, à ce voyage intime dans le temps, la mémoire de soi et l'écriture. Augustin révolutionne ainsi la confession antique, détourne la littérature classique, et fait exploser les cadres anciens à l'intérieur desquels nous avons l'habitude de nous réfugier et de penser notre vie.' Frédéric Boyer.
"Nous, les objets, quelques-uns, ce soir, on va sortir de notre silence. On a des choses à vous dire".
Au flot des mots, à
la pâte, tu opposes le flux des
poèmes, leur transparence. Simplicité vide de la
pensée et de la forme, pâleur de la colère, répétitions,
tout cela comme inscrit là en creux, presque
noyé, dans le bref cours des jours.
Un homme parle à des animaux, c'est-à-dire à des êtres sans réponse. Il prononce Le Discours aux animaux qui est une suite de douze « promenades », une navigation dans l'intérieur - c'est-à-dire d'abord dans sa langue et dans ses mots. Un homme parle à des animaux et ainsi il leur parle des choses dont on ne parle pas : de ce que nous vivons par exemple, quand nous sommes portés à nos extrêmes, écartelés, dans la plus grande obscurité et pas loin d'une lumière, sans mots et proches d'un dénouement. Les autres siècles appelaient ça « crise intérieure », le nôtre « dépression ». Valère Novarina pense que c'est un état très nécessaire, très salutaire, à ne pas soigner : l'homme a encore beaucoup à se parler à lui-même...
"la honte nous survivra
nos descendants diront
enjambaient des corps
longeaient des familles à terre
pour faire leurs courses
ou des as du contrôle
héros de sf
parleront de l'époque
où l'on s'est mis à s'entrevoir
en mesures de chair
humaine biomasse
sans dessin net
et scruteront les figurants
au drôle d'accent
d'une série z en costumes"
Pierre Alferi.
Ce livre, s'il contient quelques poèmes inédits, est une anthologie, composée par Charles Juliet lui-même, de ses poèmes au long de plus de cinquante années de recherche, de tâtonnements, de découvertes. On y retrouve donc cette écriture si simple, si évidente mais aussi âpre, dure comme le silex et dense comme une terre nourricière, qui redonne leur sens immédiat aux mots, et leur valeur, et leur sonorité. Les titres des parties qui composent ce recueil révèlent bien l'itinéraire de l'auteur : 'Enfance', 'Effondrement', mais aussi 'Ouverture', 'Avancée', 'Lueurs'...
à la tradition et sa verve de parolier a un air " belle époque " à s'y tromper : calembredaines et gaillardises se bousculent dans ses vers de mirliton. Exercice d'école, L'Opérette imaginair recense, pour les moquer, tous les trucs de la composition dramatique ; elle fait aussi la part la plus belle aux comédiens pour des performances à couper le souffle.
Du coup, on n'y reconnaîtrait pas le Novarina du Drame de la vie et de L'Acte inconnu si l'un des personnages ne se nommait Le Mortel, qui parle souvent d'outre-tombe. Opérette imaginaire ? Opérette à surprise, plutôt.
«Voici que les hommes s'échangent maintenant les mots comme des idoles invisibles, ne s'en forgeant plus qu'une monnaie : nous finirons un jour muets à force de communiquer ; nous deviendrons enfin égaux aux animaux, car les animaux n'ont jamais parlé mais toujours communiqué très-très bien. Il n'y a que le mystère de parler qui nous séparait d'eux. À la fin, nous deviendrons des animaux : dressés par les images, hébétés par l'échange de tout, redevenus des mangeurs du monde et une matière pour la mort. La fin de l'histoire est sans parole.»
Voguer est une série de performances poétiques inspirées entre autres du film Paris is Burning de Jennie Livingston (1991) sur la vie des danseurs du « voguing », à la fin des années 1980. Jeunes, pauvres, homosexuels, noirs et latinos. Leur danse s'inspire des poses des mannequins des magazines féminins (notamment le magazine américain Vogue dans les années 1960, et les défilés de mode), qu'ils reprennent et prolongent à travers des enchaînements chorégraphiques codifiés. Composé en cinq parties, qui sont autant de portraits, le livre explore à sa façon cette danse et ses adeptes avec 5 personnages : Venus, la jeune femme transgenre assassinée dans Paris is burning, Pepper, autre personnage du film, un jeune homme anonyme, mais aussi Pasolini et Kleist. Chacun de ces poèmes-portraits est une prière, un tombeau pour se recueillir. Ce sont aussi de petites célébrations à la mémoire des corps en mouvement, chacun engagé à sa manière dans une lutte.
Fruit de braconnages dans la vie de tout le monde, on peut lire ce livre dans le désordre, le parcourir comme un abattoir où sont débités des morceaux de textes.
Traversée des genres ou extension, ce n'est pas un hasard si "Fonction-Meyerhold", adressé à celui qui paya de sa vie le fait d'avoir été au service du texte se place au coeur du dispositif. C'est lui qui rayonne comme centre des opérations.
Fond d'écran, la ville de Marseille tient lieu de décor en tirage surexposé.
Héroïque travesti, "Oreste pesticide" y redoute de curieuses mouches pornographes. Il mythologise la ville dans son aspect destroy et revisite sur un mode tragi-comique le tabou de la virginité comme les violences policières.
La lettre à Reverdy affronte un sujet souvent passé sous silence : la collaboration avec l'Allemagne nazie de sa protectrice et amie des arts Coco Chanel.
Le scénario "B7 : un attentat attentif" est inséparable de l'année 1946 où Hélène Bessette monte à Notre-Dame de la Garde avant d'accoucher de son deuxième fils.
Pour ce qui est de la fille aux mains coupées, les mains ont été véritablement coupées.
"Gens du réel, cessez de vous prendre pour des agents de la réalité ! "
Un homme entre, déroule une cosmogonie de mots qui convoque les brins d'herbe et les supermarchés, les chiffres de hasard et les jeux d'enfant, les pierres et les bêtes, la mort et l'étonnement de naître, de vivre et donc de parler.
Un Chanteur en Perdition enchaîne comptines « comptant pour rien », explore l'antimonde, rivalise en paroles avec L'Ouvrier du Drame, sorte de maître de la créature parlante. Spectacle forain, drôle et terrifiant, de la parole telle qu'elle se déroule chaque jour. L'Homme hors de lui reprend la mise en abîme...
Et si, à raison d'un poème par jour, il ne fallait que quatre ans pour lire ce livre ?
Emmanuel Hocquard enseigne régulièrement à l'École des Beaux-Arts de Bordeaux entre 1993 et 2005. Il y donne des « leçons de grammaire » dans un atelier de recherche et de création intitulé d'abord Langage & Écriture puis Procédure, Image, Son, Écriture (P.I.S.E.) en 1999. À partir de 1998, un ou plusieurs volumes photocopiés réunissent chaque année les textes qu'il élabore ou agence en vue de ces cours (à côté de textes d'autres enseignants, de travaux et de correspondances des étudiants, d'extraits de livres et de journaux, de reproductions iconographiques). Ces conducteurs écrits pour les interventions, ces lettres aux étudiants (individuelles et partagées ou collectives), ces textes de création... vont reprendre, développer, réarticuler les notions et les concepts que l'on trouve dans les livres d'Emmanuel Hocquard ; le tout traversé de citations et d'extraits, d'anecdotes, de points de grammaire, de récits personnels... L'ensemble qui s'est constitué là, dont les pièces se sont peu à peu ajoutées mais aussi dupliquées et réagencées sur plusieurs années, dessine une forme entre théorie et approche pragmatique de l'écriture ; une forme en mouvement qui relève à la fois d'une poétique et d'une éthique. C'est cette forme que nous avons tenté de saisir, dans ce livre.
La nouvelle pièce de Valère Novarina, telle qu'elle sera représentée dans le cadre officiel du Festival d'Avignon 2015.
Mai 68 a été une immense prise de parole dans toute la société française, entre étudiants et ouvriers, entre jeunes et vieux, entre femmes et hommes. On a parlé de tout, de tout, de tout, de la politique comme de la sexualité, des revendications comme des désirs, et ce mouvement culturel qui contestait la société capitaliste marchande dans son ensemble et dans ses détails nous a légué des outils pour penser aujourd'hui, et d'abord, pour continuer d'explorer la parole : pourquoi parler, comment parler, un dialogue, c'est quoi.
tu dois jouer pour devenir sérieux celui-là improvise à la fenêtre un enfant bien avisé qui s'amuse avec son pipeau antique c'est un joli jeu solitaire une partie en maniaque
Pourquoi des granules ? Pour quoi faire ?
Un petit sachet de granules, parmi les tonnes probablement d'aussi bleus qui se produisent et s'écoulent, aura eu pour effet ce livre-là.
Sans ce sachet de granules, sans ce type qui me le donne si naturellement que je ne pense pas lui demander exactement « comment ça marche ? ». Sans ce type et ses granules bleus, il n'y aurait pas ce livre dont la narratrice craintive découvre un peuplement dont elle ignorait tout.
Un père et une mère parlent de leur fille : Alexandrine, seize ans. Ce pourrait être une conversation normale, mais Alexandrine ne l'est pas et il se peut que le couple parental ne l'ait jamais été non plus. Leurs inquiétudes portent essentiellement sur la vie sexuelle future d'Alexandrin... Le dénouement, comme toujours, est un escamotage qui dérobe heureusement à nos yeux les protagonistes de la farce.
Mon Père m'a donné un mari reprend, en le caricaturant, l'argument des comédies classiques : des parents prennent en main la vie amoureuse de leur fille. Sauf qu'il ne s'agit plus d'arranger un mariage mais d'organiser un dépucelage. Comme la fille est autiste, elle consent à cette prise en main. Elle autorise même ses parents à assister à sa défloration, conçue comme l'aboutissement spectaculaire de cette pièce.
"C'est pourquoi la question : à quoi sert le langage ? n'a qu'une réponse : À vivre." Émile Benveniste (cité par Irène Fenoglio)
DEERHOOF ("sabot de cerf" en anglais) est un groupe de rock "indé" américain créé en 1994 et auteur, à ce jour, de treize albums d'une musique extrêmement originale et captivante, embrassant aussi bien l'art de la mélodie pop que l'expérimentation sonore, le format rock classique ou l'improvisation free en passant par la musique électronique et les « musiques du monde ». Bref, un quatuor qui à chaque nouvel album invente une musique inattendue et fraîche. C'est cette fraîcheur, cette inventivité toujours renouvelées qui ont donné à Frédéric Forte l'envie de prendre Deerhoof comme matière première de son livre. Un livre dont le titre ne pouvait être que Dire ouf - qui est, en français, la manière fautive (le [h] disparaissant) dont le nom du groupe est souvent prononcé. Fait de formes très différentes distribuées au long de trois parties contrastées, allant de poèmes relativement longs et rigoureusement métrés à d'autres très brefs utilisant les paroles du groupe comme une matière à modeler, en passant par une prose inattendue en contradiction apparente avec les autres modes, Dire ouf vise à démontrer l'imprévisibilité du sujet choisi. Dire ouf, c'est peut-être cela en fin de compte : essayer de dire une matière (Deerhoof, l'écriture, soi-même) dans ses transformations.
On dit qu'il faut coucher pour réussir, et dans ce livre on couche beaucoup, on s'étend et on s'endort. Un ermite et son lion organisent jour après jour une courtoise colocation et se donnent du vous, du divertissement, et des ajustements ménagers. Un je furtif se glisse tour à tour dans chaque lit aimé de la littérature et de la peinture, il expérimente promiscuités, gênes et sidérations, et réalise qu'on y est plus souvent allongé mort que vivant. Un nous joyeux se livre à des activités de plein air, rafting, rando, piquenique, caravaning, il fait la sieste et compose des poèmes en short.