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La Gibecière à Mots
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Jeanne, ayant fini ses malles, s'approcha de la fenêtre, mais la pluie ne cessait pas. L'averse, toute la nuit, avait sonné contre les carreaux et les toits. Le ciel bas et chargé d'eau semblait crevé, se vidant sur la terre, la délayant en bouillie, la fondant comme du sucre. Des rafales passaient pleines d'une chaleur lourde. Le ronflement des ruisseaux débordés emplissait les rues désertes où les maisons, comme des éponges, buvaient l'humidité qui pénétrait au dedans et faisait suer les murs de la cave au grenier." Jeanne, fille unique du baron Le Perthuis des Vauds, quitte le couvent où elle a reçu une bonne éducation ; elle retourne vivre au château des Peuples aux côtés de ses parents. Commence pour elle une vie charmante et libre. Elle fait connaissance du vicomte Julien de Lamare qu'elle épouse... c'est le début des désillusions. Premier roman de Guy de Maupassant.
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Quand la caissière lui eut rendu la monnaie de sa pièce de cent sous, Georges Duroy sortit du restaurant. Comme il portait beau par nature et par pose d'ancien sous-officier, il cambra sa taille, frisa sa moustache d'un geste militaire et familier, et jeta sur les dîneurs attardés un regard rapide et circulaire, un de ces regards de joli garçon, qui s'étendent comme des coups d'épervier. Les femmes avaient levé la tête vers lui, trois petites ouvrières, une maîtresse de musique entre deux âges, mal peignée, négligée, coiffée d'un chapeau toujours poussiéreux et vêtue toujours d'une robe de travers, et deux bourgeoises avec leurs maris, habituées de cette gargote à prix fixe. Lorsqu'il fut sur le trottoir, il demeura un instant immobile, se demandant ce qu'il allait faire. On était au 28 juin, et il lui restait juste en poche trois francs quarante pour finir le mois. Cela représentait deux dîners sans déjeuners, ou deux déjeuners sans dîners, au choix. Il réfléchit que les repas du matin étant de vingt-deux sous, au lieu de trente que coûtaient ceux du soir, il lui resterait, en se contentant des déjeuners, un franc vingt centimes de boni, ce qui représentait encore deux collations au pain et au saucisson, plus deux bocks sur le boulevard. C'était là sa grande dépense et son grand plaisir des nuits ; et il se mit à descendre la rue Notre-Dame-de-Lorette." Georges Duroy, arrivé à Paris depuis peu, veut réussir à tout prix. La rencontre fortuite d'un camarade de régiment lui met le pied à l'étrier, en l'introduisant dans le journalisme. Georges, étant arriviste, comprend très vite que, pour arriver à son but, il doit se servir des femmes. Aussi il n'hésite pas, quitte à paraître amoral et cupide.
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Je deviens fou. On a encore bu toute ma carafe cette nuit." "Le horla" est le journal d'un homme dans lequel il raconte les phénomènes bizarres qui semblent envahir soudainement sa vie. Devient-il fou ou est-il vraiment la proie d'une entité ? Cette nouvelle est suivie de 15 autres nouvelles dont la première version du "horla" : "Amour" - "Le trou" - Sauvée" - "Clochette" - "Le marquis de Fumerol" - "Le signe" - "Le diable" - "Les rois" - "Au bois" - "Une famille" - "Joseph" - "L'auberge" - "Le vagabond" - "Le voyage du horla" - "Un fou ?" - "Le horla" (première version).
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Guy de Mautpassant (1850-1893) "Pendant plusieurs jours de suite des lambeaux d'armée en déroute avaient traversé la ville. Ce n'était point de la troupe, mais des hordes débandées. Les hommes avaient la barbe longue et sale, des uniformes en guenilles, et ils avançaient d'une allure molle, sans drapeau, sans régiment. Tous semblaient accablés, éreintés, incapables d'une pensée ou d'une résolution, marchant seulement par habitude, et tombant de fatigue sitôt qu'ils s'arrêtaient. On voyait surtout des mobilisés, gens pacifiques, rentiers tranquilles, pliant sous le poids du fusil ; des petits moblots alertes, faciles à l'épouvante et prompts à l'enthousiasme, prêts à l'attaque comme à la fuite ; puis, au milieu d'eux, quelques culottes rouges, débris d'une division moulue dans une grande bataille ; des artilleurs sombres alignés avec ces fantassins divers ; et, parfois, le casque brillant d'un dragon au pied pesant qui suivait avec peine la marche plus légère des lignards..." Boule de suif, une prostituée, est contrainte d'accepter les avances d'un officier prussien afin que la diligence, où elle a pris place ainsi que d'autres voyageurs, puisse reprendre la route pour Dieppe... "Boule de suif" est suivie d'autres nouvelles : "L'ami Patience" - "La dot" - "La moustache" - "Le lit 29" - "Le protecteur" - "La chevelure" - "Le crime au père Boniface" - "Rose" - "L'aveu" - "La parure" - "Le bonheur" - "La vendetta" - "Coco" - "Auprès d'un mort" - "La serre" - "Un duel" - "Une soirée" - "Le vengeur" - "L'attente" - "Première neige".
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Le Havre. Pierre et Jean, deux frères passent tranquillement leurs vacances en famille, chez leurs parents. Mais cette tranquillité familiale est interrompue par la venue d'un notaire : le plus jeune des deux frères, Jean, est l'héritier d'un vieil ami de la famille, M. Maréchal. Il est le seul héritier. Pourqui seulement Jean ? Pourquoi sont-ils si différents l'un de l'autre alors qu'ils sont frères ? Jean ne serait-il pas le fils de M. Maréchal ? Pierre se pose des questions qui l'obsèdent. Il veut savoir la vérité quitte à réveiller des secrets de famille profondément enfouis. En préface de ce roman naturaliste, Maupassant nous livre sa vision de ce que devrait être un roman...
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Mais il existait dans la maison une vieille coutume, appelée le conte de la bécasse..." Guy de Maupassant nous offre un recueil de 17 histoires liées à la Normandie et aux Normands ; elles sont censées être racontées par des chasseurs lors de la "cérémonie de la bécasse" chez le baron de Ravots... Recueil publié en 1883.
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Guy de Maupassant (1850-1893)
"Le piéton Médéric Rompel, que les gens du pays appelaient familièrement Méderi, partit à l'heure ordinaire de la maison de poste de Roüy-le-Tors. Ayant traversé la petite ville de son grand pas d'ancien troupier, il coupa d'abord les prairies de Villaumes pour gagner le bord de la Brindille, qui le conduisait, en suivant l'eau, au village de Carvelin, où commençait sa distribution. Il allait vite, le long de l'étroite rivière qui moussait, grognait, bouillonnait et filait dans son lit d'herbes, sous une voûte de saules. Les grosses pierres, arrêtant le cours, avaient autour d'elles un bourrelet d'eau, une sorte de cravate terminée en noeud d'écume. Par places, c'étaient des cascades d'un pied, souvent invisibles, qui faisaient, sous les feuilles, sous les lianes, sous un toit de verdure, un gros bruit colère et doux ; puis plus loin, les berges s'élargissant, on rencontrait un petit lac paisible où nageaient des truites parmi toute cette chevelure verte qui ondoie au fond des ruisseaux calmes. Médéric allait toujours, sans rien voir, et ne songeant qu'à ceci : "Ma première lettre est pour la maison Poivron, puis j'en ai une pour M. Renardet ; faut donc que je traverse la futaie."
Recueil de nouvelles : Grands et petits drames de l'amour et du désir.
La petite Roque - L'épave - L'ermite - Mademoiselle Perle - Rosalie Prudent - Sur les chats - Sauvée - Madame Parisse - Julie Romain - Le père Amable - La peur - Les caresses. -
Guy de Maupassant (1850-1893) "On allait là, chaque soir, vers onze heures, comme au café, simplement. Ils s'y retrouvaient à six ou huit, toujours les mêmes, non pas des noceurs, mais des hommes honorables, des commerçants, des jeunes gens de la ville ; et l'on prenait sa chartreuse en lutinant quelque peu les filles, ou bien on causait sérieusement avec Madame, que tout le monde respectait. Puis on rentrait se coucher avant minuit. Les jeunes gens quelquefois restaient. La maison était familiale, toute petite, peinte en jaune, à l'encoignure d'une rue derrière l'église Saint-Etienne ; et, par les fenêtres, on apercevait le bassin plein de navires qu'on déchargeait, le grand marais salant appelé « la Retenue » et, derrière, la côte de la Vierge avec sa vieille chapelle toute grise." "La maison Tellier" : Madame et "ses filles" vont à la campagne pour la première communion de la nièce de Madame... La maison close est donc fermée ! Pendant que les habitués s'inquiètent, ces "demoiselles" retrouvent le temps perdu de leur enfance... Autres nouvelles : "Les tombales", "Sur l'eau", "Histoire d'une fille de ferme", "En famille", "Le papa de Simon", "Une partie de campagne", "Au printemps", "La femme de Paul". Véritables peintures de la société normande du XIXe siècle.
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Le jour tombait dans le vaste atelier par la baie ouverte du plafond. C'était un grand carré de lumière éclatante et bleue, un trou clair sur un infini lointain d'azur, où passaient, rapides, des vols d'oiseaux. Mais à peine entrée dans la haute pièce sévère et drapée, la clarté joyeuse du ciel s'atténuait, devenait douce, s'endormait sur les étoffes, allait mourir dans les portières, éclairait à peine les coins sombres où, seuls, les cadres d'or s'allumaient comme des feux. La paix et le sommeil semblaient emprisonnés là dedans, la paix des maisons d'artistes où l'âme humaine a travaillé. En ces murs que la pensée habite, où la pensée s'agite, s'épuise en des efforts violents, il semble que tout soit las, accablé, dès qu'elle s'apaise..." Olivier est un peintre reconnu et introduit dans la société mondaine. Il tombe amoureux d'Anne de Guilleroy, une femme mariée. Petit à petit, leur jeunesse est chassée par le temps qui passe. Surgit la fille d'Anne, copie conforme de cette dernière au temps de sa jeunesse... Une étude sur le refus du vieillissement.
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Les premiers baigneurs, les matineux déjà sortis de l'eau, se promenaient à pas lents, deux par deux ou solitaires, sous les grands arbres, le long du ruisseau qui descend des gorges d'Enval. D'autres arrivaient du village, et entraient dans l'établissement d'un air pressé. C'était un grand bâtiment dont le rez-de-chaussée demeurait réservé au traitement thermal, tandis que le premier étage servait de casino, café et salle de billard. Depuis que le docteur Bonnefille avait découvert dans le fond d'Enval la grande source, baptisée par lui source Bonnefille, quelques propriétaires du pays et des environs, spéculateurs timides, s'étaient décidés à construire au milieu de ce superbe vallon d'Auvergne, sauvage et gai pourtant, planté de noyers et de châtaigniers géants, une vaste maison à tous usages, servant également pour la guérison et pour le plaisir, où l'on vendait, en bas, de l'eau minérale, des douches et des bains, en haut, des bocks, des liqueurs et de la musique. On avait enclos une partie du ravin, le long du ruisseau, pour constituer le parc indispensable à toute ville d'eaux ; on avait tracé trois allées, une presque droite et deux en festons ; on avait fait jaillir au bout de la première une source artificielle détachée de la source principale et qui bouillonnait dans une grande cuvette de ciment, abritée par un toit de paille, sous la garde d'une femme impassible que tout le monde appelait familièrement Marie..." Christiane, accompagnée de son époux le banquier William Andermatt, vient rejoindre son père et son frère à la petite station thermale d'Enval. Une nouvelle source est découverte. Pendant que William Andermatt, véritable homme d'affaires de génie, se lance dans la construction d'un nouvel établissement thermal, Christiane qu'il délaisse tombe amoureuse de Paul, un ami de son frère... Une critique du milieu médical et du capitalisme.
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Nous venions de passer Gisors, où je m'étais réveillé en entendant le nom de la ville crié par les employés, et j'allais m'assoupir de nouveau, quand une secousse épouvantable me jeta sur la grosse dame qui me faisait vis-à-vis. Une roue s'était brisée à la machine qui gisait en travers de la voie. Le tender et le wagon de bagages, déraillés aussi, s'étaient couchés à côté de cette mourante qui râlait, geignait, sifflait, soufflait, crachait, ressemblait à ces chevaux tombés dans la rue, dont le flanc bat, dont la poitrine palpite, dont les naseaux fument et dont tout le corps frissonne, mais qui ne paraissent plus capables du moindre effort pour se relever et se remettre à marcher."
Guy de Maupassant tente de nous mystifier à travers ces nouvelles dans lesquelles les êtres et les situations ne sont pas comme nous le pensons... recueil de 14 nouvelles paru en 1888. Le rosier de madame Husson - un échec - Enragée ? - Le modèle - La baronne - Une vente - L'assassin - La Martine - Une soirée - La confession - Divorce - La revanche - L'odyssée d'une fille - La fenêtre. -
Guy de Maupassant (1850-1893) "Le major, commandant prussien, comte de Farlsberg, achevait de lire son courrier, le dos au fond d'un grand fauteuil de tapisserie et ses pieds bottés sur le marbre élégant de la cheminée, où ses éperons, depuis trois mois qu'il occupait le château d'Uville, avaient tracé deux trous profonds, fouillés un peu plus tous les jours. Une tasse de café fumait sur un guéridon de marqueterie maculé par les liqueurs, brûlé par les cigares, entaillé par le canif de l'officier conquérant qui, parfois, s'arrêtant d'aiguiser un crayon, traçait sur le meuble gracieux des chiffres ou des dessins, à la fantaisie de son rêve nonchalant." Recueil de 18 nouvelles. Mademoiselle Fifi - Madame Baptiste - La rouille - Marocca - La bûche - La relique - le lit - Fou ? - Réveil - Une ruse - A cheval - Un réveillon - Mots d'amour - Une aventure parisienne - Deux amis - Le voleur - Nuit de Noël - Le remplaçant.
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Guy de Maupassant (1850-1893) "En sortant du Café Riche, Jean de Servigny dit à Léon Saval : - Si tu veux, nous irons à pied. Le temps est trop beau pour prendre un fiacre. Et son ami répondit : - Je ne demande pas mieux. Jean reprit : - Il est à peine onze heures, nous arriverons beaucoup avant minuit, allons donc doucement. Une cohue agitée grouillait sur le boulevard, cette foule des nuits d'été qui remue, boit, murmure et coule comme un fleuve, pleine de bien-être et de joie. De place en place, un café jetait une grande clarté sur le tas de buveurs assis sur le trottoir devant les petites tables couvertes de bouteilles et de verres, encombrant le passage de leur foule pressée. Et sur la chaussée, les fiacres aux yeux rouges, bleus ou verts, passaient brusquement dans la lueur vive de la devanture illuminée, montrant une seconde la silhouette maigre et trottinante du cheval, le profil élevé du cocher, et le coffre sombre de la voiture. Ceux de l'Urbaine faisaient des taches claires et rapides avec leurs panneaux jaunes frappés par la lumière. Les deux amis marchaient d'un pas lent, un cigare à la bouche, en habit, le pardessus sur le bras, une fleur à la boutonnière et le chapeau un peu sur le côté, comme on le porte quelquefois, par nonchalance, quand on a bien dîné et quand la brise est tiède. Ils étaient liés depuis le collège par une affection étroite, dévouée, solide." Recueil de 8 nouvelles. Yvette - Le retour - L'abandonné - Les idées du colonel - Promenade - Mohammed-Fripouille - Le garde - Berthe
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Nous étions sept dans le break, quatre femmes et trois hommes, dont un sur le siège à côté du cocher, et nous montions, au pas des chevaux, la grande côte où serpentait la route. Partis d'Étretat dès l'aurore, pour aller visiter les ruines de Tancarville, nous somnolions encore, engourdis dans l'air frais du matin. Les femmes surtout, peu accoutumées à ces réveils de chasseurs, laissaient à tout moment retomber leurs paupières, penchaient la tête ou bien bâillaient, insensibles à l'émotion du jour levant. C'était l'automne. Des deux côtés du chemin les champs dénudés s'étendaient, jaunis par le pied court des avoines et des blés fauchés qui couvraient le sol comme une barbe mal rasée. La terre embrumée semblait fumer. Des alouettes chantaient en l'air, d'autres oiseaux pépiaient dans les buissons. Le soleil enfin se leva devant nous, tout rouge au bord de l'horizon ; et, à mesure qu'il montait, plus clair de minute en minute, la campagne paraissait s'éveiller, sourire, se secouer et ôter, comme une fille qui sort du lit, sa chemise de vapeurs blanches. Le comte d'Étraille, assis sur le siège, cria : « Tenez, un lièvre », et il étendait le bras vers la gauche, indiquant une pièce de trèfle. L'animal filait, presque caché par ce champ, montrant seulement ses grandes oreilles ; puis il détala à travers un labouré, s'arrêta, repartit d'une course folle, changea de direction, s'arrêta de nouveau, inquiet, épiant tout danger, indécis sur la route à prendre ; puis il se remit à courir avec de grands sauts de l'arrière-train, et il disparut dans un large carré de betteraves. Tous les hommes s'éveillèrent, suivant la marche de la bête." Recueil de 14 nouvelles : "Miss Harriet" - "L'héritage" - "Denis" - "L'âne" - "Idylle" - "La ficelle" - "Garçon, un bock !" - "Le baptême" - "Regret" - "Mon oncle Jules" - "En voyage" - "La mère Sauvage" - "L'Orient" - "Un million".
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Guy de Maupassant (1850-1893) "- Non, dit Pierre Jouvenet, je ne connais pas l'Italie, et pourtant j'ai tenté deux fois d'y pénétrer, mais je me suis trouvé arrêté à la frontière de telle sorte qu'il m'a toujours été impossible de m'avancer plus loin. Et pourtant ces deux tentatives m'ont donné une idée charmante des moeurs de ce beau pays. Il me reste à connaître les villes, les musées, les chefs-d'oeuvre dont cette terre est peuplée. J'essayerai de nouveau, au premier jour, de m'aventurer sur ce territoire infranchissable. Vous ne comprenez pas ? - Je m'explique. C'est en 1874, que le désir me vint de Venise, Florence, Rome et Naples. Ce goût me prit vers le 15 juin, alors que la sève violente du printemps vous met au coeur des ardeurs de voyage et d'amour. Je ne suis pas voyageur cependant. Changer de place me paraît une action inutile et fatigante. Les nuits en chemin de fer, le sommeil secoué des wagons avec des douleurs dans la tête et des courbatures dans les membres, les réveils éreintés dans cette boîte roulante, cette sensation de crasse sur la peau, ces saletés volantes qui vous poudrent les yeux et le poil, ce parfum de charbon dont on se nourrit, ces dîners exécrables dans le courant d'air des buffets sont, à mon avis, de détestables commencements pour une partie de plaisir." Recueil de 15 nouvelles. Les soeurs Rondoli - La patronne - Le petit fût - Lui ? - Mon oncle Sosthène - Le mal d'André - Le pain maudit - Le cas de Mme Luneau - Un sage - Le parapluie - Le verrou - Rencontre - Suicides - Décoré ! - Châli.
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Le petit Georges, à quatre pattes dans l'allée, faisait des montagnes de sable. Il le ramassait de ses deux mains, l'élevait en pyramide, puis plantait au sommet une feuille de marronnier. Son père, assis sur une chaise de fer, le contemplait avec une attention concentrée et amoureuse, ne voyait que lui dans l'étroit jardin public rempli de monde. Tout le long du chemin rond qui passe devant le bassin et devant l'église de la Trinité pour revenir, après avoir contourné le gazon, d'autres enfants s'occupaient de même, à leurs petits jeux de jeunes animaux, tandis que les bonnes indifférentes regardaient en l'air avec leurs yeux de brutes, ou que les mères causaient entre elles en surveillant la marmaille d'un coup d'oeil incessant. Des nourrices, deux par deux, se promenaient d'un air grave, laissant traîner derrière elles les longs rubans éclatants de leurs bonnets, et portant dans leurs bras quelque chose de blanc enveloppé de dentelles, tandis que de petites filles, en robe courte et jambes nues, avaient des entretiens sérieux entre deux courses au cerceau, et que le gardien du square, en tunique verte, errait au milieu de ce peuple de mioches, faisait sans cesse des détours pour ne point démolir des ouvrages de terre, pour ne point écraser des mains, pour ne point déranger le travail de fourmi de ces mignonnes larves humaines. Le soleil allait disparaître derrière les toits de la rue Saint-Lazare et jetait ses grands rayons obliques sur cette foule gamine et parée, Les marronniers s'éclairaient de lueurs jaunes, et les trois cascades, devant le haut portail de l'église, semblaient en argent liquide. M. Parent regardait son fils accroupi dans la poussière : il suivait ses moindres gestes avec amour, semblait envoyer des baisers du bout des lèvres à tous les mouvements de Georges." Recueil de 17 nouvelles : "Monsieur Parent" - "La bête à Mait' Belhomme" - "A vendre" - "L'inconnu" - "La confidence" - "Le baptême" - "Imprudence" - "Un fou" - "Tribunal rustique" - "L'épingle" - "Les bécasses" - "En wagon" - "Ca ira" - "Découverte" - "Solitude" - "Au bord du lit" - "Le petit soldat".
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Un de mes amis m'avait dit : Si tu passes par hasard aux environs de Bordj-Ebbaba, pendant ton voyage, en Algérie, va donc voir mon ancien camarade Auballe, qui est colon là-bas. J'avais oublié le nom d'Auballe et le nom d'Ebbaba, et je ne songeais guère à ce colon, quand j'arrivai chez lui, par pur hasard. Depuis un mois, je rôdais à pied par toute cette région magnifique qui s'étend d'Alger à Cherchell, Orléansville et Tiaret. Elle est en même temps boisée et nue, grande et intime. On rencontre, entre deux monts, des forêts de pins profondes en des vallées étroites où roulent des torrents en hiver. Des arbres énormes tombés sur le ravin servent de pont aux Arabes, et aussi aux lianes qui s'enroulent aux troncs morts et les parent d'une vie nouvelle. Il y a des creux, en des plis inconnus de montagne, d'une beauté terrifiante, et des bords de ruisselets, plats et couverts de lauriers-roses, d'une inimaginable grâce. Mais ce qui m'a laissé au coeur les plus chers souvenirs en cette excursion, ce sont les marches de l'après-midi le long des chemins un peu boisés sur ces ondulations de côtes d'où l'on domine un immense pays onduleux et roux depuis la mer bleuâtre jusqu'à la chaîne de l'Ouarsenis qui porte sur ses faîtes la forêt de cèdres de Teniet-el-Haad.." Recueil de 11 nouvelles ayant pour thème les liaisons illégitimes. Allouma - Hautot père et fils - Boitelle - L'ordonnance - Le lapin - Un soir - Les épingles - Duchoux - Le rendez-vous - Le port - La morte
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Il portait bien son nom de bataille, l'abbé Marignan. C'était un grand prêtre maigre, fanatique, d'âme toujours exaltée, mais droite. Toutes ses croyances étaient fixes, sans jamais d'oscillations. Il s'imaginait sincèrement connaître son Dieu, pénétrer ses desseins, ses volontés, ses intentions. Quand il se promenait à grands pas dans l'allée de son petit presbytère de campagne, quelquefois une interrogation se dressait dans son esprit : « Pourquoi Dieu a-t-il fait cela ? » Et il cherchait obstinément, prenant en sa pensée la place de Dieu, et il trouvait presque toujours. Ce n'est pas lui qui eût murmuré dans un élan de pieuse humilité : « Seigneur, vos desseins sont impénétrables ! » Il se disait : « Je suis le serviteur de Dieu, je dois connaître ses raisons d'agir, et les deviner si je ne les connais pas. » Tout lui paraissait créé dans la nature avec une logique absolue et admirable. Les « Pourquoi » et les « Parce que » se balançaient toujours. Les aurores étaient faites pour rendre joyeux les réveils, les jours pour mûrir les moissons, les pluies pour les arroser, les soirs pour préparer au sommeil et les nuits sombres pour dormir. Les quatre saisons correspondaient parfaitement à tous les besoins de l'agriculture ; et jamais le soupçon n'aurait pu venir au prêtre que la nature n'a point d'intentions et que tout ce qui vit s'est plié, au contraire, aux dures nécessités des époques, des climats et de la matière. Mais il haïssait la femme, il la haïssait inconsciemment, et la méprisait par instinct..." Recueil de 19 nouvelles : "Clair de lune" - "un coup d'Etat" - "Le loup" - "L'enfant" - "Conte de Noël" - "La reine Hortense" - "Le pardon" - "La légende du Mont Saint-Michel" - "Une veuve" - "Mademoiselle Cocotte" - "Les bijoux" - "Apparition" - "Le père" - "Moiron" - "Nos lettres" - "La nuit cauchemar" - "L'enfant" - "En voyage" - "Un bûcher".
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Combien de courts souvenirs, de petites choses, de rencontres, d'humbles drames aperçus, devinés, soupçonnés sont, pour notre esprit jeune et ignorant encore, des espèces de fils qui le conduisent peu à peu vers la connaissance de la désolante vérité. À tout instant, quand je retourne en arrière pendant les longues songeries vagabondes qui me distraient sur les routes où je flâne, au hasard, l'âme envolée, je retrouve tout à coup de petits faits anciens, gais ou sinistres, qui partent devant ma rêverie comme devant mes pas les oiseaux des buissons. J'errais cet été sur un chemin savoyard qui domine la rive droite du lac du Bourget, et le regard flottant sur cette masse d'eau miroitante et bleue d'un bleu unique, pâle, enduit de lueurs glissantes par le soleil déclinant, je sentais en mon coeur remuer cette tendresse que j'ai depuis l'enfance pour la surface des lacs, des fleuves et de la mer. Sur l'autre bord de la vaste plaine liquide, si étendue qu'on n'en voyait point les bouts, l'un se perdant vers le Rhône et l'autre vers le Bourget, s'élevait la haute montagne dentelée comme une crête jusqu'à la dernière cime de la Dent-du-Chat. Des deux côtés de la route, des vignes courant d'arbre en arbre étouffaient sous leurs feuilles les branches frêles de leurs soutiens et elles se développaient en guirlandes à travers les champs, en guirlande vertes, jaunes et rouges, festonnant d'un tronc à l'autre et tachées de grappes de raisin noir. La route était déserte, blanche et poudreuse. Tout à coup un homme sortit du bosquet de grands arbres qui enferme le village de Saint-Innocent, et pliant sous un fardeau, il venait vers moi appuyé sur une canne." Recueil de 20 nouvelles : "Le Colporteur" - "Auprès d'un mort" - "La Serre" - "Un duel" - "Une soirée" - "Jadis" - "Le Vengeur" - "L'Attente" - "Première Neige" - "La Farce" - "Lettre trouvée sur un noyé" - "L'Horrible" - "Le Tic" - "Fini" - "Mes vingt-cinq jours" - "La Question du latin" - "Le Fermier" - "Cri d'alarme" - "Étrennes" - "Après"
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Guy de Maupassant (1850-1893) "La victoria fort élégante, attelée de deux superbes chevaux noirs, attendait devant le perron de l'hôtel. C'était à la fin de juin, vers cinq heures et demie, et, entre les toits qui enfermaient la cour d'honneur, le ciel apparaissait plein de clarté, de chaleur, de gaieté. La comtesse de Mascaret se montra sur le perron juste au moment où son mari, qui rentrait, arriva sous la porte cochère. Il s'arrêta quelques secondes pour regarder sa femme, et il pâlit un peu. Elle était fort belle, svelte, distinguée avec sa longue figure ovale, son teint d'ivoire doré, ses grands yeux gris et ses cheveux noirs ; et elle monta dans sa voiture sans le regarder, sans paraître même l'avoir aperçu, avec une allure si particulièrement racée, que l'infâme jalousie dont il était depuis si longtemps dévoré, le mordit au coeur de nouveau. Il s'approcha, et la saluant : - Vous allez vous promener ? dit-il. Elle laissa passer quatre mots entre ses lèvres dédaigneuses. - Vous le voyez bien ! - Au bois ? - C'est probable. - Me serait-il permis de vous accompagner ? - La voiture est à vous." Recueil de 11 nouvelles : "L'inutile beauté" - "Le champs des oliviers" - "Mouche" - "Le noyé" - "L'épreuve" - "Le masque" - "Un portrait" - "L'infirme" - "Les vingt-cinq francs de la supérieure" - "Un cas de divorce" - "Qui sait ?"
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Guy de Maupassant (1850-1893) "J'ai quitté Paris et même la France, parce que la tour Eiffel finissait par m'ennuyer trop. Non seulement on la voyait de partout, mais on la trouvait partout, faite de toutes les matières connues, exposée à toutes les vitres, cauchemar inévitable et torturant. Ce n'est pas elle uniquement d'ailleurs qui m'a donné une irrésistible envie de vivre seul pendant quelque temps, mais tout ce qu'on a fait autour d'elle, dedans, dessus, aux environs. Comment tous les journaux vraiment ont-ils osé nous parler d'architecture nouvelle à propos de cette carcasse métallique, car l'architecture, le plus incompris et le plus oublié des arts aujourd'hui, en est peut-être aussi le plus esthétique, le plus mystérieux et le plus nourri d'idées ? Il a eu ce privilège à travers les siècles de symboliser pour ainsi dire chaque époque, de résumer, par un très petit nombre de monuments typiques, la manière de penser, de sentir et de rêver d'une race et d'une civilisation. Quelques temples et quelques églises, quelques palais et quelques châteaux contiennent à peu près toute l'histoire de l'art à travers le monde, expriment à nos yeux mieux que des livres, par l'harmonie des lignes et le charme de l'ornementation, toute la grâce et la grandeur d'une époque. Mais je me demande ce qu'on conclura de notre génération si quelque prochaine émeute ne déboulonne pas cette haute et maigre pyramide d'échelles de fer, squelette disgracieux et géant, dont la base semble faite pour porter un formidable monument de Cyclopes et qui avorte en un ridicule et mince profil de cheminée d'usine." Fatigué de Paris, Guy de Maupassant part pour l'Italie et le Maghreb ; il en tire des chroniques pour les journaux dont il est le correspondant. Récits de voyage.
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Guy de Maupassant (1850-1893) "Depuis un mois, le large soleil jette aux champs sa flamme cuisante. La vie radieuse éclôt sous cette averse de feu ; la terre est verte à perte de vue. Jusqu'aux bords de l'horizon, le ciel est bleu. Les fermes normandes semées par la plaine semblent, de loin, de petits bois, enfermées dans leur ceinture de hêtres élancés. De près, quand on ouvre la barrière vermoulue, on croit voir un jardin géant, car tous les antiques pommiers, osseux comme les paysans, sont en fleurs. Les vieux troncs noirs, crochus, tortus, alignés par la cour, étalent sous le ciel leurs dômes éclatants, blancs et roses. Le doux parfum de leur épanouissement se mêle aux grasses senteurs des étables ouvertes et aux vapeurs du fumier qui fermente, couvert de poules. Il est midi. La famille dîne à l'ombre du poirier planté devant la porte : le père, la mère, les quatre enfants, les deux servantes et les trois valets. On ne parle guère. On mange la soupe, puis on découvre le plat de fricot plein de pommes de terre au lard. De temps en temps, une servante se lève et va remplir au cellier la cruche au cidre." Recueil de 22 nouvelles. Le père Milon - Par un soir de printemps - L'aveugle - Le gâteau - Le saut du berger - Vieux objets - Magnétisme - Un bandit corse - La veillée - Rêves - Confessions d'une femme - Clair de lune - Une passion - Correspondance - Rouerie - Yveline Samoris - L'ami Joseph - L'orphelin - Le colporteur - Cri d'alarme - Etrennes - Après.
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Guy de Maupassant reste pour beaucoup le chantre de la Normandie. Pourtant l'Algérie, qu'il visita à quatre reprises (1881, 1887, 1888, 1890), est très présente dans son oeuvre : "Au soleil", "Marocca" ou encore "Mohamed fripouille". C'est en tant que reporter pour la revue "Le Gaulois" qu'il effectua son premier voyage afin de couvrir le soulèvement des Ouled-Sidi-Cheikh, dans la province oranaise. Son constat est assez sévère envers la politique et la gestion de l'Algérie. Cette édition d'"Au soleil"est celle de 1884.