06/01/2023
Au semestre d'hiver 1926-1927, tandis que Heidegger est en train d'achever son maître-livre Être et Temps, il dispense un cours qui offre une grande traversée dans l'histoire de la philosophie. Celui-ci constitue à bien des égards le laboratoire de l'ouvrage.
Heidegger y trace en effet un chemin entre la métaphysique moderne et la théologie médiévale, en avançant l'idée que la doctrine moderne de l'être qui se déploie autour du « Je » cartésien doit se comprendre à partir de la doctrine de saint Thomas. Le philosophe scolastique apparaît lui-même comme le point de consolidation de la métaphysique antique, entièrement refondue dans le cadre de la théologie chrétienne. Heidegger entreprend ensuite une analyse - inédite dans son oeuvre - de l'Éthique de Spinoza, faisant émerger le spinozisme comme la seule philosophie moderne, avant Hegel, qui soit parvenue à penser l'être absolument.
Tout en corrigeant l'idée que Heidegger aurait exclu Spinoza de sa compréhension de la métaphysique, ces leçons représentent également un document de premier ordre pour reconstituer la genèse de sa réflexion : ce serait pour pallier les lacunes d'une métaphysique au sein de laquelle l'être est rabattu sur la substance ou le sujet que le philosophe se serait vu confronté à la nécessité de tenter un nouveau commencement pour la pensée.
Martin Heidegger (1889-1976) est considéré comme l'un des philosophes majeurs du XXe siècle, dont l'influence a été considérable, d'Arendt à Foucault en passant par Sartre ou Levinas. Son engagement en faveur du national-socialisme à partir des années 1930 a été présenté et discuté dans de nombreux ouvrages, dont, au Seuil, Heidegger et l'antisémitisme de Peter Trawny (Points, 2023).
« Combien de mots de 5 lettres peut-on fabriquer avec les lettres du mot tsunami ? »
« Avec trois allumettes disposées en U, faites un carré en n'en déplaçant qu'une seule »...
Pour Georges Perec, « l'écriture est un jeu qui se joue à deux ». Dans ces Jeux et Nouveaux Jeux intéressants, il propose à ses lecteurs des mots croisés, rébus, anagrammes et autres proverbes cachés ou séries à intrus comme autant d'invitations à des jeux de logique et de lettres qui sont d'abord pour lui des laboratoires de création.
Ce plaisir du jeu se poursuit dans les Perec/rinations, également rassemblées dans ce volume, qui sont à la géographie parisienne ce que les textes à contraintes de l'écrivain sont à la littérature. Perec nous propose des visites guidées de la capitale à travers des grilles de mots croisés (une par arrondissement) et des explorations de l'espace selon des itinéraires minutieusement réglés, comme cette déambulation alphabétique, trajet « idéal qui, partant d'une rue commençant par la lettre A, aboutirait à une rue commençant par la lettre Z en passant successivement par toutes les lettres de l'alphabet ».
Parce que jouer et écrire, c'est presque tout un, laissez-vous guider à travers les lettres, le temps et l'espace, tout un monde à la Perec fait de « défis ludiques irrésistibles » (Sylvia Richardson).
Hésitation vaccinale, refus de la 5G, théories du complot suscitent de nombreuses lamentations sur la montée de l'irrationalité et la perte de confiance dans la communauté scientifique. Pour y faire face, certains continuent d'en appeler à l'autorité de la science et des « faits » comme à des totems. Cet affrontement rend aveugle aux problèmes inhérents à la fabrication des savoirs, et sourd aux préoccupations des publics concernés.
Du changement climatique à la pandémie de Covid, les auteurs analysent les récentes controverses et proposent ainsi une réflexion sur les pratiques de recherche et d'expertise en temps de crise. En donnant des clés pour repenser les rapports entre sciences, industrie et démocratie, cet essai salvateur plaide pour une transformation de la méfiance généralisée en une défiance exigeante, seule capable d'activer de nouveaux modes de production et de réception des sciences en société.Bernadette Bensaude-Vincent
Professeure émérite de philosophie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, elle est membre de l'Académie des technologies et de divers comités d'éthique. Elle a publié plusieurs ouvrages au Seuil dont Carbone. Ses vies, ses oeuvres en 2018.Gabriel Dorthe
Docteur en philosophie et en sciences de l'environnement (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Université de Lausanne), il est chercheur postdoctorant dans le cadre du Program on Science, Technology and Society à Harvard et du Research Institute for Sustainability (RIFS) - Helmholtz Centre Potsdam.
Des lieux publics à nos écouteurs, nos vies sont baignées de musiques auxquelles nous avons un accès immédiat et consumériste. En miroir inversé, l’enseignement artistique – et particulièrement musical – subit en France une crise larvée, malgré un maillage territorial de conservatoires unique au monde. L’apprentissage, jugé trop élitiste, trop théorique, trop classique, est supposé décourager nombre d’élèves. À quoi sert la musique ? Comment remettre la pratique au cœur de la cité ? Le plus swing des directeurs de conservatoire répond.
logo CNL !
Alors que l’écologie nous rappelle que nous avons besoin de sobriété, que tout est lié, que nous sommes tous interdépendants, l’euthanasie et le suicide assisté consacrent l’homme autosuffisant, insatiable et performant. Il est pour moi incompréhensible que la gauche, en Belgique comme en France, relaie le mirage libéral de « se posséder soi-même ». Nous ne sommes pas auto-entrepreneurs de nos vies, et nous n’avons pas à déposer le bilan.
Peut-on sauver la planète avec des petits gestes ? Faut-il manger moins de viande ? Comment partager l’eau ? La voiture électrique va-t-elle nous sortir du pétrole ? Faut-il faire payer les riches ? La démocratie est-elle compatible avec l’urgence climatique ? Comment éviter l’écoanxiété et ne pas baisser les bras ? Autant de questions délicates que pose Nabil Wakim dans son podcast Chaleur humaine. De la climatologue Valérie Masson-Delmotte à la pédopsychiatre Laelia Benoit en passant par l’ingénieur low-tech Philippe Bihouix, l’économiste Lucas Chancel, la sociologue Sophie Dubuisson-Quellier ou l’hydrologue Florence Habets, dix-huit scientifiques, penseurs, experts et dirigeants donnent les clés des enjeux du réchauffement climatique et proposent des solutions adaptées pour relever le défi du XXIe siècle : sauvegarder le vivant et la planète habitable.
L’auteur aborde avec humour les sujets qui fâchent et partage sérieusement des informations précises et accessibles, avec une énergie mobilisatrice incontestable ! Non, tout n’est pas perdu : se relever collectivement les manches peut même devenir un horizon enviable.
Nabil Wakim est journaliste au Monde. Il anime le podcast et la newsletter hebdomadaire Chaleur humaine depuis 2022. Il est spécialiste des questions énergétiques et a été chef du service politique et rédacteur en chef du site Internet.
"Une plongée terrifiante au cœur des secrets de famille et de la forêt suédoise." The New York Times
Eleanor n'aurait jamais imaginé assister au meurtre de sa cruelle mais bien-aimée grand-mère Vivianne. Sur le seuil de l'appartement, elle croise le tueur. Mais atteinte d'une maladie rare, la prosopagnosie, elle ne peut reconnaître les visages.
En état de choc, elle apprend de surcroît que Vivianne lui a légué un manoir isolé dans la forêt suédoise dont elle n'avait jamais entendu parler.
Accompagnée de sa tante Veronika, de son compagnon Sebastian et d'un avocat un peu étrange, Eleanor se rend, angoissée, dans ce lieu inconnu. Le manoir dévoile peu à peu ses secrets et semble avoir été le témoin d'un passé terrible. Que cachait Vivianne ? Pourquoi n'avoir jamais mentionné l'existence de cette bâtisse ?
Beaucoup d'interrogations et si peu de temps, car le blizzard se lève et l'ombre des bois pénètre dans le domaine de Haut Soleil. Commence alors un huis clos pour le moins glaçant...
Camilla Sten, née en 1992, est la fille de Viveca Sten, superstar suédoise de polars. Après une série pour la jeunesse (L'Île des disparus, Michel Lafon) à quatre mains avec sa mère, elle publie son premier roman, Le Village Perdu, bientôt adapté sur Netflix, et revient avec Le Manoir des glaces, un nouveau thriller oppressant et machiavélique.
Traduit du suédois par Anna Postel.
Le Louvre, avant d’être musée, fut atelier d’artistes. Il demeure aujourd’hui leur résidence.
Pendant plusieurs mois, Hans Ulrich Obrist, personnalité majeure du monde de l’art, a cheminé au travers des collections avec de grandes figures de la création actuelle. Celles-ci évoquent les œuvres qui les ont marquées, les espaces qui, encore maintenant, les saisissent d’admiration. Chaque artiste interroge, suivant sa sensibilité contemporaine, les défis que rencontre le musée au XXIe siècle.
La séparation fréquente entre patrimoine et création, entre art du présent et art du passé, est désormais dépassée : par la pluralité de voix qui s’expriment à chaque fois face aux œuvres, le Louvre s’affirme comme le lieu du dialogue entre les temps de l’art – lieu au miroir duquel chacune et chacun vient refléter ses propres projets.
Au final, les onze conversations suscitent avant tout un puissant désir : celui d’aller voir et revoir les œuvres, évoquées ici ou d’autres, dans ce fourmillement magique d’un musée sans cesse réinventé par ses visiteurs.
« Je n'arrive pas à croire à ce qui vient de m'arriver. Coincé sur la banquette arrière entre Mohamed et Ali qui tentent de me réconforter, Randal à la manoeuvre de cette R30 aux amortisseurs foutus, nous traversons telle une boule de billard trempée dans l'huile ces avenues aux noms de héros communistes. J'ai envie de
pleurer mais une boule de chagrin dure comme un kyste m'en empêche. Je veux retrouver ce rêve presque
achevé, je veux m'asseoir à nouveau dans le noir pour lui donner forme et vie, je veux retrouver mon film. »
Hippolyte Girardot est comédien, scénariste et chroniqueur à la radio. De 1977 à 1982, il animait un atelier de films en Super 8 dans un centre culturel de la banlieue parisienne. En se plongeant dans le labyrinthe de sa jeunesse à la recherche d'un film perdu, il s'interroge sur ses illusions et celles de cette époque.
Ils pourraient être vos voisins.
Fanny a 17 ans. Elle fuit vers l’Allemagne, sans un regard en arrière. Seul l’avenir compte. L’avenir avec Maïa, sa meilleure amie, son âme-sœur.
Au cœur du Jura, dans le village paisible et idyllique de Malmaison-le-lac, les habitants sont en état de choc. La famille Parrisot a disparu. Le capitaine de gendarmerie Bruno Albertini se rend dans la bâtisse isolée désormais vide, dont les premiers indices laissent à penser qu’un massacre s’est déroulé en ces lieux et que le contenu du coffre-fort a été dérobé.
Et tout semble indiquer que Fanny Parrisot serait la clé de cette nuit sanglante.
Né en 1981 à Pontarlier, Nicolas Leclerc a quitté les montagnes du Haut-Doubs pour étudier l'audiovisuel et le cinéma. Il travaille aujourd'hui pour la télévision. S’inspirant d’un fait divers, l’auteur nous livre avec ce quatrième roman un thriller implacable.
Pendant deux ans et demi, il a été LA figure de la crise du Covid-19 : président du Conseil scientifique, en relation permanente avec le chef de l'État, le professeur Jean-François Delfraissy a été au coeur du réacteur sanitaire, politique, médiatique. Confinement(s), pass sanitaire, mesures de restriction, « cas Raoult », ouverture des écoles, protection des plus âgés, etc. : aucune grande décision, aucun arbitrage majeur n'a été entrepris sans son avis. Ce qui ne signifie pas que le Conseil scientifique fut toujours suivi. D'où des tensions, et même des conflits, au centre desquels se sont confrontés le monde du savoir et celui du pouvoir. Et qui bousculent le fonctionnement même de l'État.
D'immenses questions éthiques ont été soulevées par la pandémie : atteintes aux libertés (arbitrage entre aspirations individuelles et dessein collectif), comportement de l'industrie pharmaceutique, affectation des vaccins (en priorité aux plus fragiles), triage des patients, état d'urgence, équité vs égalité des dispositifs... Sur tous ces sujets, l'indépendance du Conseil scientifique était cruciale, elle était la condition sine qua non de l'engagement de Jean-François Delfraissy. Cette indépendance est à l'image d'un homme auquel sa trajectoire de médecin et de scientifique, de gestionnaire de crise (VIH, Ebola), confère une image de grande intégrité. Et de confiance.
Dans ce livre, il donne sa version de l'histoire. Fort de sa liberté de parole il raconte les coulisses d'une crise exceptionnelle et ne cache ni les doutes ni les erreurs qui ont émaillé cette « épreuve à vue ». Laquelle délivre ici des enseignements qui interrogent le fonctionnement du pouvoir comme la vie publique et citoyenne de notre pays.
Professeur d'immunologie clinique (Paris-Saclay), Jean-François Delfraissy fut la cheville ouvrière des plans français de lutte contre le VIH et Ebola. Président du Conseil scientifique pendant la crise COVID, il préside le Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Il est membre correspondant de l'Académie nationale de médecine.
Denis Lafay est journaliste, conseiller éditorial de La Tribune, directeur de collection aux Éditions de l'Aube. Il est l'auteur de vingt-cinq essais, romans et monographies de peintres.
Un jour de 2022, Daniel Schneidermann découvre, au musée de l'Armée, une photo d'atrocité coloniale, publiée dans L'Illustration : cinq têtes « indigènes » coupées. Cette image qui date de la conquête en 1891 du Mali et du Niger, alors dénommés le « Soudan français », marque un tournant : pour la première fois, grâce aux progrès de la photo, l'opinion peut visualiser la violence de la conquête. Auparavant, il n'était question que de faits glorieux, et de la mission civilisatrice de la France.
Période de construction de la Tour Eiffel, la « Belle Époque » fut aussi une étape décisive dans les conquêtes coloniales et leur cortège de massacres, à l'abri des regards du gouvernement et de la presse. Nombre de militaires et d'officiers y perdirent la raison, jusqu'au crime contre l'humanité.
Ce livre est une enquête sur la fabrique du déni à grande échelle, de cette époque à nos jours. Partant de cette image, l'auteur plonge dans la propagande coloniale de l'époque, en s'interrogeant sur sa propre ignorance, et sur la persistance actuelle d'une certaine indifférence blanche.
Cinq têtes coupées brosse la fresque d'une période refoulée, et le portrait de ces « héros » de la colonisation dont la popularité est aujourd'hui difficilement imaginable. Il analyse comment se construit l'occultation d'un événement historique. À l'heure où les ex-colonies s'émancipent vigoureusement de la Françafrique, n'est-il pas enfin temps de regarder ensemble cette histoire en face ?
Daniel Schneidermann est journaliste et créateur de l'émission « Arrêt sur images ». Spécialiste des récits médiatiques, il est notamment l'auteur de Berlin, 1933. La presse internationale face à Hitler (Seuil, 2018), qui a obtenu le prix des Assises du journalisme de 2019.
Il est courant de comparer les arts du point de vue de la forme. Bernard Sève fait le pari inverse : il compare les arts du point de vue des matériaux qu’ils mettent en œuvre. Rien n’est plus concret que les matériaux, rien n’est plus invisible. On voit le tableau sans penser aux pigments. Ces matériaux sont matériels (argile, bronze) ou immatériels (thème musical, scénario dramatique) ; tous commandent une séquence conceptuelle rigoureuse : outils et techniques, pratiques corporelles, coopérations et collaborations, fragilités et restauration, usages seconds.
Prenant en compte une centaine d’arts différents, le livre propose des rapprochements étonnants. Il ne se contente pas d’élargir considérablement les manières de comparer les arts, il propose une conceptualité neuve. Écartant la question classique « comment distinguer l’art du non-art ? », il développe la notion d’artisticité. Ce concept beaucoup plus fécond repose sur l’idée qu’il n’y a pas de césure mais une continuité entre art et non-art. L’art se décline par degrés.
La conception que nous nous faisons des arts et de la logique de leur développement historique en est profondément modifiée. C’est le foisonnement des pratiques artistiques qui permet — si on comprend qu’il est une condition d’intelligibilité et non un problème — de s’approcher au plus près de ce qu’il peut y avoir d’artistique dans tout geste technique.
Bernard Sève est professeur émérite d’esthétique et philosophie de l’art à l’Université de Lille. Outre différents travaux sur la pensée de Montaigne (Montaigne, des règles pour l’esprit, PUF, 2007), il a notamment publié L’Altération musicale (Seuil, 2002), De haut en bas : philosophie des listes (Seuil, 2010) et L’Instrument de musique (Seuil, 2013).
« Un rêve de livre vous habite et vous suit partout, mais il vit sa vie et vous la vôtre. Un jour vous le tenez, le suivant, il n'est plus là. Cette folie, d'avoir voulu défier la réalité avec pour toute arme une pauvre épée de papier ! »
Attentive aux questions de ses lecteurs, Irène Frain réfléchit sur sa pratique depuis des années. En animant des ateliers d'écriture, elle a découvert qu'elle ne pouvait pas donner de conseils aux apprentis écrivains sans leur apprendre comment apprivoiser les peurs qui précèdent nécessairement tout acte créatif.
À leurs blocages, les manuels de « trucs et ficelles » ne répondent pas, alors qu'il est des chemins pour retrouver la créativité spontanée et l'imagination qui nous habitaient pendant notre enfance.
Plutôt que de livrer de mythiques « secrets d'écriture », Irène Frain a préféré partager son expérience au fil de récits où elle se remémore la naissance de son propre désir d'écrire. Elle illustre son propos d'exemples concrets et de références littéraires universelles. D'où un livre au ton unique, drôle, incisif, accessible, qui invite tous ceux qui aiment lire à vivre enfin l'inégalable aventure de l'écriture.
Irène Frain s'est illustrée par une trentaine de romans et biographies salués par la critique et le public pour leur souffle narratif, et certains sont devenus des classiques : Le Nabab, Secret de famille, Devi, Les Naufragés de l'île Tromelin, Sorti de rien, Marie Curie
prend un amant. Son roman, Un crime sans importance (Seuil, 2020), a reçu le prix Interallié.
Un roman aussi lumineux qu’inquiétant, par le prix Médicis étranger 2020.
À Lisbonne, un homme attend la femme qu’il aime. Il a quitté New York avant elle, pour arranger l’appartement qu’ils ont acheté. Il profite de la douceur du climat et de la tranquillité du quartier. Penser au moindre détail, imaginer les rituels qui rythmeront leur nouvelle vie : tout est une source infinie de plaisir. Pourtant, un sentiment diffus l’accompagne, une forme de confusion qu’il ne parvient pas à éclaircir. Est-ce la similarité entre les deux villes, les deux appartements ? La présence d’une menace sourde impossible à identifier ?
Admirable styliste, Antonio Muñoz Molina est aussi un maître de la narration. Dans ce roman à la simplicité trompeuse, il nous entraîne à travers les méandres de la mémoire, de la raison et de la peur. Progressivement et très subtilement, il met à nu la fragilité de tout ce que nous nous sommes si soigneusement raconté sur nos vies.
Traduit de l’espagnol par Isabelle Gugnon
« Un roman intense à lire d’une seule traite. » El País
« Un thriller psychologique impressionnant. » La Vanguardia
La domination d’un Occident raciste, à l’intérieur de ses frontières et au-delà, n’a pu que renforcer les préjugés à l’encontre des personnes définies comme Noires. Parce qu’il en est ainsi, il est illusoire de se dire Blanc par simple convention, sans le moindre rapport avec l’histoire qui créa cette catégorie. La blanchité s’est élaborée dans le cadre de la plantation pour sévir ensuite dans l’espace colonial sur tous les continents et se consolider au sein des sociétés multiethniques de l’Euramérique contemporaine. Elle est une manière d’approcher l’autre qui se caractérise par le crime.
Léonora Miano se livre à une analyse aussi fine qu’implacable de ce « problème blanc », depuis les traites négrières et la colonisation jusqu’au présent. Car, sans prise de conscience de ce qu’est la blanchité, il est impossible de transformer ce qui s’est transmis de génération en génération, à la fois comme un patrimoine et un secret de famille, certes gênants mais qu’il nous faut regarder en face. Il se passera du temps pour vider la race de toute signification et guérir le monde. Cela ne signifie pas qu’il faille baisser les bras. C’est en ayant conscience de l’ampleur de la tâche que l’on pourra s’y atteler.
Romancière, dramaturge et essayiste, Léonora Miano est l’autrice d’une vingtaine d’ouvrages. Elle a reçu le prix Goncourt des lycéens en 2006 pour Contours du jour qui vient (Plon), le prix Seligmann contre le racisme en 2012 pour Écrits pour la parole (L’Arche), le prix Femina et le Grand prix du roman métis en 2013 pour La Saison de l’ombre (Grasset).
Quelle est la doctrine islamique du blasphème, injure faite à Dieu, à la religion et au Prophète ? Qu’en est-il de l’interdiction de la représentation figurée de Muhammad ? Peut-on croire ou abjurer publiquement en islam ? Se déclarer athée sans être poursuivi en justice, ostracisé ou livré à la vindicte populaire ? Peut-on penser librement ?
Hamadi Redissi s’appuie sur une littérature méconnue pour restituer les débats sur ces questions qui ont animé les mondes sunnites et chiites du Moyen Âge à nos jours. Il identifie qui a le droit de s’exprimer en religion. Il dégage également les trois ordres qui régissent le domaine de l’expression : ce qui se dit et ne se dit pas, ce qui se laisse voir et ce qu’on retire au regard, ce qui se pense ou ne peut se penser.
Au-delà du débat récurrent entre ceux qui estiment que l’islam est naturellement violent et ceux qui attribuent au seul islamisme les limites meurtrières à la liberté d’expression, cette nécessaire et passionnante enquête historique révèle que « deux islams » s’affrontent pratiquement sans discontinuité depuis l’âge médiéval. L’un, iconophobe, fanatique et belliqueux, a été transposé, et renforcé parfois, par l’État moderne. L’autre iconophile, tolérant et paisible, négocie le droit de s’exprimer, mais n’accorde pas tout.
Professeur de sciences politiques à l’université de Tunis, Hamadi Redissi a publié au Seuil : L’Exception islamique (2004), Le Pacte de Nadjd. Comment l’islam sectaire est devenu l’islam (2007) et La Tragédie de l’islam moderne (2011).
« Le quatre centième anniversaire de la mort de Molière a donné lieu à quantité de publications, de représentations, de manifestations diverses pendant un an. J’ai rédigé des préfaces et des notes personnelles, répondu à des journalistes, joué Orgon dans Tartuffe et repris deux mises en scène des Fourberies de Scapin et du Bourgeois gentilhomme. J'appartiens à la Comédie-Française dont Molière est le saint patron, l’emblème et l’apanage. Ma fréquentation de l’œuvre s’est finalement à peine intensifiée cette année-là en regard des années précédentes, mais la publicité générale que produit une commémoration m’a fait réfléchir, a suscité des questions dont ce livre est le résultat, la collection, le prolongement. Il est fait aussi et surtout du goût, de l’appétit, du besoin presque buccal que j’ai de Molière. »
Denis Podalydès
Un auteur classique doit être considéré comme un « contemporain, neuf, pertinent et subversif, mais aussi fragile, difficile et discutable ». Telle est l’ambition de celui pour qui Molière fut la « porte d’entrée du théâtre » : créer une mémoire active de ses œuvres littéraires, « trouver la beauté nouvelle et l’énergie actuelle qu’elles contiennent pour peu qu’on y travaille avec un esprit libre et des forces vives ».
« J'ai écrit ce livre pour lutter contre mes propres démons : le chagrin, la rancune, la peur. Je l'ai écrit pour tenter de trouver un sens à une perte : la perte d'un soldat parmi les milliers de pertes subies par l'armée ukrainienne ; celle d'un frère unique à mes yeux. En couchant ces textes sur le papier, j'ai voulu échapper à la noirceur du deuil, me soulager de la haine qui semait ses graines en moi, pour tenter d'avancer. Ce livre donne un nom, et une histoire, à une seule des vies humaines perdues au cours de cette guerre, mais j'espère qu'il pourra servir à consoler d'autres coeurs endeuillés. »
Que faire du souvenir d'un frère ? Comment lui survivre et faire vivre ce lien intime et si singulier dans un contexte où la violence politique emporte tout sur son passage ? Mêlant témoignage, souvenirs et réflexions, ce livre d'une grande honnêteté est une bouleversante traversée du deuil et un hommage, rempli de tendresse et de chagrin, à un frère perdu au combat, mais retrouvé par l'art et l'écriture.« Intime et personnelle, cette chronique d'un amour et d'un deuil transcende les époques et les lieux ; brutale et universelle, elle soulève la seule question qui demeure : pourquoi ? »Philippe Sands
Peut-on encore être anticapitaliste au XXIe siècle ? Depuis la débâcle financière de 2008, on a beaucoup parlé de la crise, voire de la fin du capitalisme mais, en fait, celui-ci sort toujours renforcé des catastrophes qu’il fabrique. Il survivra donc aux protestations contre les inégalités qui, en réalité, renforcent sa légitimité en réclamant seulement une meilleure inclusion dans le système sans en contester la logique : la compétition mondiale effrénée pour le profit. Cette dernière engendre une précarité multiforme qui affecte toutes les catégories sociales : peur des fins de mois difficiles, stress induit par les pressions subies au travail, insécurité de l’emploi, dégradation des services de santé, etc. En réactualisant la tradition de la théorie critique, l’auteure démontre que le combat contre ce « capitalisme de précarité » doit s’attaquer à sa logique même, et sans attendre son utopique effondrement final. Elle dessine une stratégie pour mobiliser la multitude précaire derrière un projet politique qui, à coups de réformes progressives éradiquant la course folle au profit, nous engagerait sur la voie d’une transformation sociale radicale.
Professeure de Science politique et sociale, Albena Azmanova a enseigné à Sciences Po et à la New School For Social Research à New York, avant de rejoindre l’Université du Kent.
Prix 2021 de l’American Political Science Association « pour un livre exceptionnel qui démontre comment l’expertise universitaire peut utilement servir la lutte pour un monde meilleur »
Prix 2022 du meilleur livre d’économie politique internationale de l’International Studies Association
Prix Susan Strange du meilleur livre (2022) de la British Political Science Association Mention honorable
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Baptiste Mylondo en collaboration avec Jacques Généreux
Comment fixe-t-on son choix électoral dans cet Archipel qu'est devenue la France ? De quel poids pèsent les singularités individuelles au regard des variables sociales et de l'environnement géographique ? Vers quel type de dessein collectif les nouveaux déterminants du vote nous conduisent-ils ?Pour brosser le tableau politique de la France d'après, Jérôme Fourquet a une nouvelle fois arpenté le territoire, collecté des données statistiques, dressé des cartes et tracé des graphiques repérant les facteurs contextuels qui, aujourd'hui, façonnent le vote. Mais au-delà de ces variables collectives, il a pris la mesure du poids qu'acquièrent les déterminants individuels (niveau de diplôme, profession, âge) à mesure que l' « archipélisation » progresse. Et pour en rendre compte, le sondage d'opinion s'avère particulièrement pertinent : son usage, complémentaire de l'approche géographique, fait ici merveille, l'auteur réalisant en quelque sorte l'alliance de « la carte et du camembert».Un siècle après André Siegfried (Tableau politique de la France de l'Ouest, 1913), Jérôme Fourquet remet ainsi sur le métier l'ouvrage pour traquer, d'une région à l'autre, les ressorts profonds de la formation des opinions politiques et des votes. Sans esquiver la question de savoir de quoi sera fait l'avenir politique de cette France multiple et recomposée dans les années et les décennies qui viennent.Agrémentée de nombreuses cartes, tableaux et graphiques réalisés par Sylvain Manternach, géographe et cartographe, cette plongée politique permet plus globalement de saisir les nouveaux contours socio-économiques et culturels de la France d'après.
Jérôme Fourquet, auteur de L'Archipel français (2019) et de La France sous nos yeux (avec Jean-Laurent Cassely, 2021), est analyste politique, expert en géographie électorale, directeur du département Opinion à l'IFOP.
Après le succès du Courage de la nuance, Jean Birnbaum poursuit son enquête sur l'« héroïsme du doute » avec une réflexion personnelle et politique sur l'enfance.
Dans ce nouveau livre, il montre comment la naissance d'un enfant fait vaciller toute certitude. Ce qui l'intéresse, c'est une expérience banale mais qui a peu attiré l'attention des penseurs : devenir le parent d'un enfant, c'est constater ses effets sur notre rapport aux autres et sur notre vision politique des choses. Si, depuis Socrate, le philosophe est celui qui dynamite nos préjugés, alors le bébé s'impose comme le plus subversif des philosophes.
Cette fois encore, Jean Birnbaum mêle réflexions et émotions. Il se tourne vers des auteurs aimés (Hannah Arendt, Georges Bernanos, Roland Barthes, Rosa Luxemburg...) et puise dans sa propre expérience. À l'heure où le mouvement « No kids » dénonce la procréation comme une catastrophe intime et écologique, ce livre proclame la solidarité essentielle entre espoir d'une société meilleure et promesse de la vie donnée, transmise, sauvée ; il n'y a pas d'émancipation sans générations, pas d'avenir sans enfants, pas de fraternité sans bébés.
Jean Birnbaum dirige Le Monde des livres. Il est l'auteur de plusieurs essais parus au Seuil, notamment Un silence religieux. La gauche face au djihadisme (2016, prix Aujourd'hui) et Le Courage de la nuance (2021, prix François Mauriac).
Que dirait aujourd’hui Hannah Arendt en apprenant que Benjamin Netanyahu a créé une agence gouvernementale de « l’identité nationale juive » ? Dès 1951, elle alertait des dangers qui guettaient l’État-nation Israël à sa création : « Cette solution de la question juive n’avait réussi qu’à produire une nouvelle catégorie de réfugiés, les Arabes accroissant ainsi le nombre des apatrides et des sans-droits de quelque 700 000 à 800 000 personnes. »